Diagnostic prénatal -Activité des laboratoires de génétique moléculaire

On entend par prélèvement sur tissus annexiels embryonnaires ou fœtaux un prélèvement invasif, le plus souvent une amniocentèse ou une biopsie de villosités choriales.

Les différentes maladies pour lesquelles un diagnostic prénatal est fait par la génétique moléculaire sur prélèvement invasif (tableaux DPN11 à 13) sont identifiées selon la classification de l’encyclopédie Orphanet. Ainsi peuvent être comptabilisées comme deux pathologies distinctes deux formes d’une même maladie enregistrées sous deux numéros ORPHA différents. Le numéro ORPHA est un identifiant unique et stable dans le temps, associé à chaque entité de la classification Orphanet des maladies rares. Cette stratégie permet un recueil des données comparable d’une année à l’autre.

En 2018, l’activité de diagnostic prénatal en génétique moléculaire a concerné 2 642 fœtus pour 341 maladies génétiques différentes (selon la classification ORPHANET). Ces maladies sont pour la plupart extrêmement rares. Toutefois, les 21 maladies décrites dans les

Tableau DPN11

et

Tableau DPN13

représentent 71% des examens réalisés. De manière attendue en raison de sa fréquence parmi les maladies rares, la mucoviscidose reste la maladie la plus souvent diagnostiquée dans le cadre d’un diagnostic prénatal par la génétique moléculaire. De très nombreuses maladies génétiques sont si rares qu’elles ne sont l’objet que de quelques diagnostics par an. On peut penser qu’avec les nouvelles techniques d’étude de l’ADN (séquençage de nouvelle génération ou NGS), le diagnostic des maladies rares va encore se diversifier. À noter qu’en 2018, 8 laboratoires ont indiqué avoir réalisé des techniques de NGS (pour l’analyse de panels de 1 à 98 gènes).

Dans deux tiers des cas, l’examen est prescrit dans le cadre d’un antécédent familial (données non présentées). Il s’agit du diagnostic d’une maladie génétique familiale pour laquelle la proportion de fœtus atteints correspond au risque de récurrence attendu de la maladie. Cette activité est restée stable au cours des dernières années. Dans les autres cas, c’est un signe d’appel échographique spécifique d’une maladie qui motive le diagnostic moléculaire.

On peut noter qu’entre 2014 et 2018, 418 recherches d’amyotrophie spinale ont été réalisées sur signe d’appel échographique pour 1 seul diagnostic posé. Ces données permettent de s’interroger sur la pertinence de cette indication. Inversement, sur la même période 2014-2018, les signes d'appel échographiques ont conduit à la réalisation de 135 examens pour l’indication de sclérose tubéreuse de Bourneville avec 101 diagnostics posés soit 75% de diagnostics (

Tableau DPN13

). Ces données sont certainement à mettre en relation avec l’augmentation régulière de la qualité des examens échographiques ainsi que la présence de signes quasi-pathognomoniques de cette maladie rare.

Lorsque le diagnostic de la maladie génétique est avéré, la grossesse est le plus souvent interrompue, compte tenu de la gravité des affections et de la connaissance familiale de la maladie. Une attention particulière doit être portée sur le taux de données manquantes en raison des perdus de vue (25,8% en 2018). Ce taux important des issues de grossesse inconnues conduit l’Agence de la biomédecine à réfléchir à de nouvelles modalités de recueil de cette information.

Tableau DPN11. Description de l'activité de génétique moléculaire par pathologie en 2018
Tableau DPN12. Description de l'activité de génétique moléculaire par pathologie : liste des autres pathologies recherchées en 2018
Tableau DPN13. Évolution de l'activité de génétique moléculaire par pathologie de 2014 à 2018

On entend par prélèvement non invasif un prélèvement sanguin chez la mère, à l’opposé d’un prélèvement de villosités choriales ou de liquide amniotique. Ces analyses se sont considérablement développées ces dernières années et méritent d’être particulièrement suivies.

Analyses de génétique moléculaire réalisées à partir d'ADN fœtal libre circulant dans le sang maternel

En 2018, les indications pour une analyse de l’ADN fœtal libre circulant dans le sang maternel (ADNlc) ayant fait l’objet d’une recommandation de la Haute Autorité de Santé (HAS) sont : l’analyse du rhésus fœtal chez les femmes rhésus négatif, la détermination du sexe fœtal pour les indications « fœtus à risque pour une maladie génétique liée à l'X » et les fœtus à risque pour l'hyperplasie congénitale des surrénales.

Au cours de l’année 2017, la HAS a publié un rapport portant sur la place des examens ADNlc dans le dépistage de la trisomie 21 fœtale. Néanmoins, cet examen a été proposé par les laboratoires dès 2013. En 2018, la recherche d’aneuploïdies reste l’examen ADNlc le plus réalisé avec 75 653 femmes testées, suivie par la détermination du rhésus fœtal en forte progression avec 69 131 fœtus étudiés (

Tableau DPN14

).

Tableau DPN14. Analyses de génétique moléculaire réalisées à partir d'ADN fœtal libre circulant dans le sang maternel en 2018

Rhésus fœtal

Dans son rapport de 2011, la HAS précise que la détermination prénatale du génotype fœtal RHD à partir du sang maternel présente un intérêt en pratique clinique pour cibler les populations devant bénéficier d’immunoglobulines anti-RH1 dans un cadre prophylactique et, en cas d’immunisation, pour sélectionner les femmes devant bénéficier d’un suivi spécialisé. Cet examen bénéficie d’une prise en charge par l’assurance maladie depuis juin 2017, c’est pourquoi une augmentation significative du nombre de femmes testées avait déjà été notée, passant d’une moyenne d’environ 7 000 examens par an sur la période 2014-2016 (baisse en 2016 correspondant à la baisse d’activité d’un laboratoire cette année-là) à plus de 20 200 tests en 2017. En 2018, le nombre d’examens a, comme attendu, considérablement augmenté avec plus de 69 100 examens (

Tableau DPN14

,

Figure DPN6

). Le rhésus fœtal est négatif pour 21 637 prélèvements en 2018. 

Selon les recommandations en vigueur, entre 10 et 15% des femmes enceintes devraient bénéficier de cet examen, soit environ 80 000 à 120 000 tests annuels. L’augmentation observée est en phase avec les recommandations et continuera d’être surveillée. À noter que 10 laboratoires seulement assurent cette activité sur le territoire.
 

Figure DPN6. Évolution du nombre de grossesses avec déterminations du rhésus fœtal sur ADN fœtal libre circulant dans le sang maternel et tissus annexiels de 2014 à 2018

Sexe fœtal 

La détermination du sexe fœtal dans le sang maternel reste exceptionnelle (525 examens en 2018) et ses indications sont très spécifiques : essentiellement dans le cas des maladies récessives liées au chromosome X pour éviter une biopsie de villosités choriales aux fœtus filles ou dans les grossesses à risque d’hyperplasie congénitale des surrénales pour adapter précocement le traitement préventif chez le fœtus féminin afin d’éviter une virilisation. Le nombre d’examens est plutôt stable ces dernières années (

Figure DPN7

). Les examens pour convenance personnelle sont interdits en France.


Figure DPN7. Évolution du nombre de grossesses avec détermination du sexe fœtal par analyse d'ADN fœtal libre circulant dans le sang maternel de 2014 à 2018

Dépistage d'aneuploïdies 

Le dépistage d’aneuploïdies fœtales (trisomies 13,18 et 21) dans le sang maternel est un examen beaucoup plus récent dont la mise en œuvre en France a démarré en 2013. Cette activité n’est recueillie dans le cadre du rapport annuel d’activité que depuis 2014.

En 2017, la HAS a publié des recommandations préconisant l’introduction des tests ADN libre circulant (ADNlc) dans le dispositif existant de dépistage de la trisomie 21. Néanmoins, l’arrêté de recommandations de bonnes pratiques et l’arrêté de remboursement (avec effet au 18 janvier 2019) ne sont parus qu’en décembre 2018 et l’autorisation des structures n’a débuté qu’en 2019. Enfin depuis 2013, certains établissements français proposaient déjà cet examen largement prescrit mais l’adressaient à l’étranger (activité non recueillie).

Le nombre de laboratoires qui réalisent cet examen est passé de 2 à 34 entre 2014 et 2018 (dont 8 nouveaux entre 2016 et 2017 et 12 de plus entre 2017 et 2018). Les laboratoires autorisés sont principalement des laboratoires de cytogénétique (26 sur 34) mais quantitativement la majorité des analyses (61%) sont réalisées dans les laboratoires autorisés de génétique moléculaire.

Le nombre de femmes ayant eu un examen dans le cadre du dépistage de la trisomie 21 en France a encore augmenté de 48% entre 2017 et 2018, après avoir déjà été multiplié par près de 2,5 entre 2016 et 2017 (

Figure DPN8

,

Tableau DPN15

). Le nombre de résultats positifs est de 707 (0,9%) et le nombre d’examens non exploitables de 1 620 (2,2%). 

Le

Tableau DPN16

montre l’évolution des situations et notamment l’évolution de la prise en compte des seuils de risque conduisant à la réalisation d’un examen ADNlcT21 entre 2014 et 2018. En 2018, les laboratoires ont mieux différencié parmi les risques compris entre 1/50 et 1/1 000 lesquels étaient ≤ 1/250 (seules 444 analyses non définies en 2018 contre plus de 17 000 en 2017).

Au total, 78% des examens ADNlcT21 ont été réalisés après marqueurs sériques quel que soit le risque (1/250 ou 1/1 000) en 2018. Les autres indications retenues représentent une part beaucoup plus faible des indications (grossesses multiples 6,6% et anomalie chromosomique parentale ou antécédent pour le couple de grossesse avec caryotype anormal 2%).

Dans près de 7% des cas (plus de 5 200 en tenant compte des indications décrites dans la catégorie « autre »), l’examen a été réalisé en première intention pour âge maternel isolé ou pour convenance personnelle. Un tel dépistage primaire non retenu comme indication par l’évaluation de la HAS en 2017 ou dans les bonnes pratiques de 2018 est néanmoins en diminution (16% en 2016, 9% en 2017).

Le taux d’examens sans résultat (non exploitables) augmente avec l’augmentation du nombre d’examens. Ce taux qui était de 0,6% en 2015 est de 2,1% en 2018 (

Tableau DPN17

). Une attention particulière devra être portée sur cette donnée afin d’identifier d‘éventuels facteurs de variation.

Les résultats des caryotypes manquent dans 23,8% (168) pour les tests ADNlcT21 positifs pour la trisomie 21. Un travail sur l’amélioration de la qualité des données est mené par l’Agence de la biomédecine en lien avec les laboratoires afin de diminuer ce taux de données manquantes, ce qui est indispensable à un bon suivi du dépistage.

Les résultats montrent que, parmi les 707 dépistages ADNlcT21 positifs indiquant une trisomie 21 fœtale, les résultats des analyses chromosomiques ont été obtenus dans 539 cas (76,2%). Le diagnostic de trisomie 21 a été confirmé dans 86,8% des situations (468 sur 539). Cette information (valeur prédictive positive du test) est importante pour les professionnels qui doivent en informer les patientes et systématiquement proposer une vérification de l’anomalie par un caryotype fœtal sur un prélèvement invasif, le caryotype étant le seul examen permettant de poser le diagnostic de la trisomie 21.

Parmi les 71 632 tests négatifs, 5 se sont révélés être a posteriori des cas de trisomie 21 (valeur prédictive négative de 99,99%) et 2 positifs à la trisomie 18.

Le nombre de faux-positifs est encore plus élevé pour les trisomies 18 (24,7%) et 13 (39,2%).

Enfin, s’agissant d’un dépistage, des faux-négatifs sont également rapportés ; en 2018, selon les données présentées dans le

Tableau DPN17

, l’analyse de l’ADNlc n’a pas détecté une trisomie 21 fœtale dans au moins 5 situations. Cette donnée doit également être précisée lors de l’entretien d’information des patientes.

Figure DPN8. Évolution du nombre total de femmes ayant eu un examen de recherche d'aneuploïdies par analyse d'ADN fœtal libre circulant dans le sang maternel dans le cadre du dépistage de 2014 à 2018
Tableau DPN15. Évolution du nombre d'examens (1) de recherche d'aneuploïdies par analyse d'ADN fœtal libre circulant dans le sang maternel dans le cadre du dépistage de 2013 à 2018
Tableau DPN16. Évolution des résultats des recherches d'aneuploïdies par analyse d'ADN fœtal libre circulant dans le sang maternel dans le cadre du dépistage de 2014 à 2018
Tableau DPN17. Suivi du dépistage sur l'ADN fœtal libre circulant dans le sang maternel dans le cadre du dépistage de 2015 à 2018